« Le destin de l’homme se joue sur la monnaie »*

Pouemi Tchundjang, Joseph publie en 1980 « Monnaie, Servitude et liberté : la Répression monétaire de l’Afrique». Il énonce l’urgence qu’il y a de rendre les discussions sur les politiques monétaires plus accessibles au grand publique.

Selon l’auteur, « Il convient qu’en Afrique la monnaie cesse d’être le territoire du tout petit nombre de « spécialistes » qui jouent aux magiciens. ». Il dénonce avec acuité l’intérêt portée sur des questions inutiles dont le seul apport est de plonger le continent dans la déchéance : « Aujourd’hui, faute d’accorder aux questions monétaires l’attention qu’elles méritent, l’Afrique inflige à ses enfants, et plus encore à ceux qui ne sont pas encore nés, des souffrances tout à fait gratuites. ».

La Monnaie : entre servitude et union
Pouemi (1937-1984), est un mathématicien et économiste érudit, qui a donné un nouveau sens à la recherche sur les politiques monétaires. Selon l’auteur l’argent ne représente pas juste une valeur en soi, mais également un « phénomène social ».

L’économiste souligne que la fonction monétaire qui jadis se limitait au moyen de paiement, à l’unité arithmétique et à une valeur de conversion, a au fil du temps perdu sa rationalité et sa clarté pour devenir un mystérieux instrument de domination, de colonisation et de dignité éventuellement réservé à une classe sociale particulière (oligarques).

Selon Pouemi, la résolution des problèmes politiques et sociaux du continent passera aussi par la résolution des difficultés de gestion monétaire. La monnaie est comme l’octroie d’un prêt dont la légitimité dépend de la manière dont cet emprunt est utilisé.

Elle demeure essentiellement la propriété souveraine de la nation, car l’approbation des salaires et des emprunts dépend de l’ambition politique et économique du Pays et ne doit ni être contrôlé encore moins régi par les étrangers. Pour l’auteur le Franc cfa représente pour les africains l’expression de la colonisation permanente des pays utilisateur et la France demeure le seul pays au monde qui a, après les indépendances, réussi à pousser sa monnaie à l’intérieure de tous les secteurs rentables des pays et à lui octroyé une exclusivité incontestable à tous les niveaux de commerce.

Briser les normes bancaires
En tant que Partisans des mouvements indépendantistes en Afrique, il estimait que les chercheurs de son époque et même ceux de l’époque contemporaine devraient se détacher des approches dogmatiques et euro-centriques et développer de nouveaux paradigmes d’analyse afin de mieux comprendre les techniques de répression et de domination à travers un instrument basé sur l’échange comme la monnaie.

Pouemi est le père de la théorie de la monnaie comme instrument de servitude et définit dans son œuvre des approches plus adaptées à son époque pour faire comprendre ce mécanisme à ses confrères de mouvements anti-impérialistes. Il propose que les pays encore sous domination monétaire se désolidarise de ce système d’asservissement en créer un bloc réunissant tous les pays africains (des moins avancées aux plus avancées), régis par une seule monnaie et dirigée par une banque centrale commune.

Cet ouvrage nous apprend tout d’abord à avoir un regard plus critique sur les politiques monétaires qui régissent notre quotidien en Afrique, elle a aussi été un support important pour les luttes anti-cfa et les œuvres y référant.

Joseph Tchundjang Pouémi

Pouemi encourage les Africains à la recherche et à l’innovation. Afin de pérenniser son œuvre, il faudra que les générations actuelles et futures n’hésitent pas à percer les mystères de la science et de la recherche en créant de nouvelle théories et approches analytiques pour comprendre les normes monétaires et les normes bancaires qui sont jusqu’ici dominées par les étrangers.

Il incombe à tous les acteurs de la vie sociale et académique en Afrique de lire cet ouvrage et de s’imprégner des idées de l’auteur afin d’être à même non seulement d’enseigner mais aussi de comprendre les mécanismes qui régissent la colonisation monétaire.

*(cf. Jacques Rueff)
Ecrit par Dolly Afoumba

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