Le voyage comme quête de soi

« Pousser à la liberté ne rendait pas libre, enlever les chaînes au prisonnier n’était pas lui donner la liberté. La liberté c’était la paix. » Ken Bugul, Le Baobab fou. Son premier livre paru en 1984 où se mélange subtilement des éléments autobiographiques et une part de fiction retraçant la vie d’une jeune africaine à travers son enfance dans son village natal au Sénégal puis de sa confrontation avec le monde occidental durant ses années études.

Une œuvre autobiographique
Ken Bugul, ce nom qui peut se définir par « celle dont personne ne veut » en wolof, de son vrai nom Mariétou Mbaye Bileoma se dévoile dans son livre en revenant sur sa jeunesse. Une jeunesse qui prend lieu dans un premier temps dans un village reculé du Sénégal, une séparation précoce et douloureuse avec sa mère. En effet cette perte la plonge dans la solitude. Traversant la rue elle découvre les bancs de l’école et s’y plait. Elle se montre très studieuse à l’école, ce qui lui permets d’avoir accès une bourse pour étudier en Belgique. Et là c’est le choc culturel, loin de ses repères elle fait face à ses illusions. Elle à qui l’école lui a enseigné le fameux « mes ancêtres les gaulois » réalise l’hypocrisie du système colonial, rejeté et seule elle affronte le racisme et les discriminations. Elle sombre dans la dépression et les turpitudes européennes. Décidant de retourner dans son village natal, elle fait face à l’incompréhension de sa famille.

Le questionnement de l’identité
Malgré l’aspect inévitablement autobiographique ce récit comporte une certaine universalité. En effet plus qu’une expérience personnelle, Ken Bugul livre un témoignage de ce que de nombreux africains vivent en allant en Europe. Ce sentiment d’incompréhension et de rejet se ressent de manière impitoyable dans ce livre, nous ressentons le trouble intérieur du personnage et nous partageons ses peines. De nombreux thèmes sont abordés dans ce livre, toujours avec intelligence et simplicité. Partant de son point de départ soit de la famille africaine, elle développe le thème du mythe de l’Eldorado soit la perception d’une Europe en terre d’accueil pleines de promesses. La réalité s’avère bien loin de ses rêves. Ces désillusions sont nombreuses, tels que le racisme, la solitude accompagnée du mal du pays. Elle décrit cette spirale infernale d’une manière juste et terrible. Ce roman d’apprentissage est un voyage physique entre l’Afrique et l’Europe, et un voyage intérieure marqué par la question de l’identité et la découverte de soi notamment lors du retour dans son village natal.

Une œuvre marquant une rupture
Ken Bugul avec ce premier livre a bousculé de nombreux codes, choqué et critiqué par beaucoup ou bien adoré personne ne peut rester impassible. De ce livre ressort une brutalité, une vérité des émotions grâce à la liberté dont fait preuve Ken Bugul. Elle défend aussi une conscience féministe de la femme noire, non pas centré sur le vécu de femmes blanches issues de la bourgeoisie. Ainsi «l’harmonie brisée » devient une quête de soi.

Ecrit par Antoine Févre

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